New Providence

A priori, il est toujours suspect de se rendre sur une île comme New providence, puisque les nababs de la finance y réalisent, parait-il, de substantielles économies d'impôt. Quant à nous, c'est promis, nous n'irons pas créer de sociétés fantômes pour conjurer notre hantise du percepteur.

New providence abrite Nassau, la capitale des Bahamas, un archipel d'îles qui s'étend sur des centaines de miles au nord-est de Cuba. Rappelons qu'en 1492, le gênois Christophe Colomb pour la couronne espagnole y a découvert l'Amérique en accostant sur l'île de San Salvador, baptisée comme telle pour avoir épargné au valeureux navigateur, entre autres,  la mutinerie de son équipage.

Bahamas sunset

Aujourd'hui, la Nouvelle providence ne s'offre que si l'on a le sésame étasunien. Il nous a fallu donc faire escale à Miami, où, espérant récupérer du voyage, nous nous sommes aperçus dès le premier jour que nous tombions en pleine Gay Pride paradant pile poils à quelques encablures de notre hôtel, sur la fameuse Ocean Drive.

la Gay Pride bat son plein.

Coktails ocean drive, on ne fait pas les choses à moitié !


Peu de bases de loueurs se trouvent aux Bahamas. Il en est une ouverte par des québécois en 2007 qui nous a séduite et qui propose la découverte des Exumas depuis New Providence. C'est donc sur un Bénéteau 343, millésimé tantôt 2005, tantôt 2006, baptisé "Lady Marcelline " que nous embarquons le 20 avril 2012.

Pour notre première sortie, il nous faut donc parcourir une distance d'environ 35 miles pour rejoindre Highborne Cay,  l'île la plus au Nord des Exumas. D'emblée, en sortant de Haven harbour, nous sommes saisis par le contraste de développement qui existe entre New providence et sa petite soeur au Nord occupée par des résidences somptuaires et des hôtels de luxe, dénommée Paradise Island. Deux gigantesques pont routiers les relient l'une à l'autre. Mais au fait, pourquoi avoir construits deux ponts si rapprochés. Mystère ! Nous nous sommes promis d'en savoir plus et d'y faire une halte, mais se sera lors de notre retour.

Nous naviguons au 140° nez au vent et sommes obligés d'avancer au diesel. Puis, alors que nous  parcourons le banc à des profondeurs ne dépassant pas une dizaine de mètres, nous remarquons que notre sondeur diminue drastiquement pour s'établir à 2,50 mètres environ. Grand soliloque du skipper qui soudain n'en croit pas ses yeux et se précipite dans la descente après avoir mis le moteur au point mort. La carte annonce des récifs épars à 15 miles des côtes. Pas de doute, le cap est juste et nous n'avons pas d'autre choix que de traverser une zone de haut fond en veillant à ne pas percuter une "patate" qui au bout de quelques secondes apparaissent bien visible comme une tache brune à la surface de l'eau. Un quart d'heure de slalom hésitant s'en est venu à bout pour reprendre ensuite notre route dans des conditions normales.

Sous le coup des 18h00 heures, nous mouillons devant Highborne Cay, seule île aux alentours dotée d'une antenne relais de 300 pieds d'altitude, d'un mini-market et d'un distributeur de carburants. Le lendemain, voulant vérifier notre quantité exacte de carburant, nous décidons de faire le plein de diesel (on peut effet craindre de mauvaises surprises, lorsque précisément le moteur est indispensable).




Highborn Cay, entrée du port

Les chiffres de la colonne de carburant défilant, ils vont finalement se stabiliser à 7,1 unités. Compte tenu des heures moteur que nous venions de faire la veille, je me dis que cette consommation est étrangement basse. Et puis, quand le pompiste me présente son ticket, je comprends ma méprise et remarque que ce ne sont pas des litres, mais des galions, soit 28 litres manquants sur un réservoir déclaré de 75 litres, ce qui  nous donne une consommation décomplexée de plus de deux litres et demi l'heure. Bigre ! Avec un réservoir de cette taille et un seul distributeur à la ronde, il va falloir bien calculer...



Un tourmondiste au mouillage à Allan's Cay

Un mile au nord ouest de Highborne Cay sont situés les îles d'Allan's Cay, inhabitées et qui constituent un écrin pour une relative bonne protection au mouillage. Cet endroit nous a valu d'observer pendant une après-midi les pérégrinations d'un motoriste ne sachant comment lever son double mouillage à l'ancre, sous un vent relativement soutenu, et débarquant son équipage sur un bout d'île déserte, comme l'aurait fait un naufragé.

C'est au lendemain que nous quittons le banc pour naviguer dans les grandes profondeurs et rejoindre Warderick Wells Cay, parc protégé des Exumas et lieu où se trouve le quartier général des fonctionnaires qui  assurent cette surveillance. L'endroit, parait-il, n'a rien à envier à la Polynésie française. Six heures plus tard, après avoir parcouru 30 miles nautiques, nous arrivons à Emerald Rock. Nous découvrons que la procédure d'entrée y ait très stricte et que les bateaux arrivant n'ont pas le droit de naviguer dans le lagon sans en demander l'autorisation, sous peine d'une forte amende. C'est à la VHF qu'on nous demande de faire le tour de l'île par le banc pour rejoindre une autre zone de mouillage moins encombrée, ce qui nous oblige à faire un immense détour pour cause de tirant d'eau trop élevé.


Résidence bahamienne



Seule île à percevoir des taxes alors qu'aucune prestations n'est offerte (excepté un accueil radio plutôt martial), nous décidons de mettre les voiles (désolé!) et de rejoindre l'île la plus au sud que nous visiterons, à savoir  Sampson Cay. Jolie marina pour vacanciers fortunés, nous y découvrons de magnifiques yachts et, à l'intérieur de l'île, des petits lacs dégradant tous les bleus turquoises au rythme alangui des marées.


Marina de Sampson Cay


Puis, il nous faut reprendre la direction du nord vers Compass Cay que nous devons traverser de l'intérieur pour rejoindre un mouillage abrité. Ici point de chenal balisé ou de bouée, toute la navigation sur le banc s'effectue au gré des variations perçue à la surface de l'eau et grâce à une inclinaison optimale des rayons du soleil.


Navigation à vue sous les sunlights

Reprenant notre route vers Highborne Cay, nous faisons escale à Shroud Cay et décidons de découvrir la mangrove en remontant une rivière en annexe et dont l'accès n'est possible que trois heures avant et après la marée haute.

Retour à Highborn Cay, où un dernier passage à la pompe nous permet de constater que notre navigation à la voile n'a pas été négligeable, puisque comme à l'aller, seuls 7 galions ont suffit pour faire le plein.


Lagon intérieur aux Exumas

En fin d'après-midi, le petit port d'Highborn voit revenir des amateurs de pêche sportive qui ramènent des prises impressionnantes de dorades coryphènes, de thons et maquereaux. Il faut dire que les eaux des Bahamas ont la réputation d'être (encore) très poissonneuses. Tout un petit monde s'active afin de décharger les bateaux, peser les prises, parer les poissons, les vider, préparer les filets et les congeler afin de ramener en souvenirs de jolis trophées à sa famille et ses amis. En observant ce petit ménage, nous n'avons pu réprimer notre envie et avons eu l'outrecuidance de demander deux petits filets pour notre repas du soir. Aucune réponse ! Seuls les requins nourrices se sont gavés des carcasses jetées à la mer.


Daurades coryphènes remplissant les congélateurs des pêcheurs sportifs

Depuis quelques heures, la météo s'est lentement dégradée et une dépression importante s'est installée dans la zone Caraïbes. Elle détermine la fin de notre séjour qui se déroule sous une pluie diluvienne.

De retour à New Providence, nous en profitons pour visiter les aquariums géants de Paradise Island. La course en taxi nous fait comprendre que chacun des ponts est dédié à un sens de marche, ce qui semble être unique au monde et nous laisse perplexe sur la rationalité d'une telle conception.

Et puis les trombes d'eau se sont accentuées, à tel point qu'à l'aéroport de nombreux vols ont été annulés. Finalement, notre correspondance long courrier du soir nous a permis d'être placés en priorité sur le premier vol à destination de Miami. Au contrôle de la police frontière, une malheureuse pomme laissée au fond d'un sac nous vaut un retrait de nos passeports. Après quinze minutes d'attente, la fonctionnaire est venu nous expliquer qu'elle ne peut nous laisser rentrer aux États-Unis avec notre golden. Nous lui répliquons que nous ne sommes pas encore sur territoire américains et que nous avions l'intention de l'ingérer en attendant l'embarquement. Peine perdue, nous avons dû croquer le fruit défendu sous son regard inquisiteur.


Faniente sur la plage d'Highborn Cay